Le très rationnel Carlos Tavares l’a encore répété cette semaine lors de la présentation des résultats du groupe PSA (Peugeot, Citroën, DS, Opel) pour le premier semestre. La rentabilité est l’indicateur sur lequel un constructeur automobile doit rester concentré. Un autre patron du secteur partageait son analyse : Sergio Marchionne, disparu il y a deux ans. Chef d’orchestre de l’audacieuse fusion entre Fiat et l’américain Chrysler, il a lui aussi toujours prôné la performance économique. Il a cependant échoué à redresser l’une des marques les plus iconiques de son groupe : Alfa Romeo.
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D’ici quelques semaines, après validation de la fusion entre PSA et Fiat Chrysler Automobiles par l’autorité de la concurrence européenne, Carlos Tavares sera à son tour confronté à l’embarrassant problème : comment sauver Alfa Romeo? Un casse-tête pour cet ingénieur qui rêvait d’être pilote et a connu jeune ses premières émotions au volant d’une… Alfa Romeo. Dans le portefeuille de FCA (Fiat, Jeep, Chrysler, Maserati), Alfa Romeo occupe une place à part.
En cent dix ans d’existence, la marque a été à la fois star de Hollywood et championne des circuits automobiles. Elle a séduit par le design exceptionnel de ses carrosseries, s’est imposée par la puissance de ses moteurs. Entre Fiat la populaire et Ferrari la milliardaire (sa valorisation en Bourse atteint les 33 milliards de dollars), Alfa Romeo a écrit certains des plus beaux chapitres de l’histoire automobile transalpine.
Pour son 110e anniversaire, FCA a offert à Alfa Romeo un retour en Formule 1
Aujourd’hui, la marque est sous perfusion et son état de santé, proche de l’urgence absolue. Avec deux modèles seulement commercialisés en Europe, Giulia et le SUV Stelvio – la Giulietta ne sera plus vendue à la fin de l’année –, elle offre une gamme bien trop limitée pour espérer exister. Son positionnement premium la surexpose aux moyens colossaux des grands concurrents allemands qui règnent sur le segment. Même en interne, au sein de FCA, elle a vu Maserati siphonner tous les investissements du groupe dans le haut de gamme. Ses ventes sont tombées à 100.000 unités par an. Enfin, son électrification, pourtant indispensable pour satisfaire les nouvelles exigences de l’Union européenne, tarde à venir. "On descend des marches année après année", se désole un membre de l’équipe. C’est ce déclin que le groupe FCA a tenté de faire oublier à Arese, siège historique de la marque dans la banlieue deMilan, le 24 juin, date anniversaire de la création d’Alfa Romeo.
Avec ces festivités, organisées dans le musée consacré à la marque, le groupe Fiat Chrysler a tenté de démontrer son attachement à l’ancienne vedette des circuits. Il en est devenu propriétaire en 1986, rachetant ce fleuron nationalisé dans les années 1930, au nez et à la barbe de l’américain Ford. Pour son 110e anniversaire, FCA a offert à Alfa Romeo un retour en Formule 1. L’italien, vainqueur des deux premiers titres de la compétition, l’année de sa création, en 1950, puis la suivante, avec au volant un certain Juan Manuel Fangio, sait qu’il ne va pas jouer les premiers rôles. Il espère malgré tout retrouver de la visibilité auprès des amateurs de belles mécaniques.
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La marque doit remettre en avant ses valeurs : technologie et passion
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Les invités ont aussi pu découvrir à Arese, en avant-première, les Giulia GTA et GTAm, rééditions exclusives du célèbre modèle de 1965, concentré du savoir-faire technologique d’Alfa, notamment en matière d’allègement de véhicule. Vendue autour de 175.000 euros et seulement à 500 exemplaires pour le marché européen, la Giulia GTA ne va pas faire s’envoler les immatriculations de l’italien. Pour Arnaud Leclerc, qui vient de prendre la direction d’Alfa Romeo pour l’Europe et le Moyen-Orient, l’essentiel est ailleurs. "La marque doit remettre en avant ses valeurs : technologie et passion", martèle le Français. Sa nomination n’a rien d’anecdotique au regard de la fusion transalpine qui se dessine. Arnaud Leclerc a fait l’essentiel de sa carrière chez PSA.
Directeur général de Citroën pour le Royaume-Uni et l’Irlande, puis directeur général adjoint de PSA outre-Manche et enfin directeur du développement de DS, il connaît parfaitement le groupe de Carlos Tavares. Arrivé chez FCA en 2018 pour diriger l’activité au Royaume- Uni, il rejoindra après l’été Turin et a promis de se mettre à l’italien. "Quand j’ai pris la direction de la Croatie pour Citroën, j’ai appris le croate, rappelle-t‑il. Je n’aurais pas d’excuses si je ne me mettais pas à l’italien."
Pour le jeune patron, fils de garagiste, Alfa Romeo a les atouts d’une marque globale, présente en Europe, en Chine, aux États- Unis, à l’ADN fort. "Il y avait une chose à améliorer : la technologie, reconnaît- il. Nous avons installé de nouveaux systèmes au début de l’année sur Giulia et Stelio. Nous avons retrouvé le niveau de ce qui se fait le mieux dans le premium."
Maserati est apparue comme la grande gagnante du plan d’investissement du groupe
Reste maintenant à regagner des volumes, seul chemin vers la rentabilité chère à Carlos Tavares, futur patron du nouvel ensemble baptisé Stellantis. Au salon de Genève, en février 2019, le constructeur a bien présenté une nouveauté : le Tonale, SUV trois portes, plus petit que le Stelvio, lancé en 2016. Il devrait être commercialisé l’an prochain, notamment en version hybride rechargeable, signant enfin l’entrée d’Alfa dans l’électrification.
Sa production devrait être assurée dans l’usine de Melfi, dont les chaînes assemblent déjà un autre SUV sur lequel le groupe Fiat Chrysler mise gros : la Jeep Compass. Une chance pour Alfa Romeo, dont les coûts de production seront réduits, mais un projet sans grande ambition. Pour Maserati, en revanche, FCA n’en manque pas. La marque au trident est apparue comme la grande gagnante du plan d’investissement du groupe italo-américain présenté d’ici à 2021, avec un calendrier de lancements étourdissant. Pour l’après-2021, reste à espérer que Carlos Tavares restera fidèle à son amour de jeunesse.
August 03, 2020 at 12:00PM
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Que va devenir la marque Alfa Romeo? - Le Journal du dimanche
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