Avoir ou ne pas avoir de raison d’être, telle n’est sans doute plus l’unique question.
C’est une évidence, le COVID 19 a ouvert l’acte II du travail de raison d’être des entreprises déjà impulsé par la loi Pacte (Mai 2019). En effet, depuis deux ans, nombreuses sont les sociétés à avoir entamé cette réflexion avec en point nodal : comment concilier sens et business ?
La question posée ou plus exactement l’équation à résoudre étant celle continuer à croître et donc à faire « plus » (atteindre des objectifs chiffrés notamment), tout en tentant de faire toujours « mieux » (afin de dessiner un avenir souhaitable) dans un monde qui va vers le « moins » (moins de ressources, de matière première, d’opportunités, de visibilité…).
Un problème qui ne serait pas loin de convoquer nos souvenirs de philo tant être désirables et utiles semble encore parfois bien antagonistes…
Les entreprises sont sommées de répondre à de nouveaux enjeux : Comment s’impliquer dans la construction d’un monde plus aimable, plus durable, plus équitable, plus inclusif… ? Comment définir et prioriser ces enjeux ? Quel rôle jouer dans et pour la société (sans évidemment dépasser ce qui est attendu et ce que peut réellement faire l’entreprise à son niveau) ? Comment, au milieu des buzz et bad buzz qui font (et parfois défont) l’actualité en quasi-temps réel, être crédibles et audibles ?
Au milieu de ces injonctions à se réinventer, la définition de leur raison d’être ne peut être qu’une première étape car il y a une différence de taille entre l’écriture d’une direction pour l’entreprise et le plan d’actions nécessaire à sa réalisation.
Si les actes sont toujours plus forts que les mots c’est qu’ils nous engagent et ne souffrent pas l’approximation. Dans son ouvrage « Quand dire c’est faire », J.L Austin posait déjà les bases de cette découverte fondamentale des énoncés performatifs (de l’anglais « to perform » : accomplir, exécuter). Toute parole est une action, avec des mots mais aussi des signes.
Et dans l’élaboration des plans actions, et donc des signes, qui porteront la raison d’être de l’entreprise, il convient de ne pas agir de façon aléatoire ou désordonnée mais aussi d’utiliser les bons leviers.
58% des français pensent que la crise ne pourra se résoudre que si les marques jouent un rôle dans la résolution des problèmes actuels.
S’il y a évidemment des projets à construire sur du long terme pour les entreprises, il y a également une impérieuse nécessité à agir dès aujourd’hui avec une compréhension fine du monde tel qu’il est (et non pas tel qu’il pourrait être). On ne compte plus les articles et les prises de parole sur « le monde de demain » aussi nommé « le monde d’après ». Pourtant, il semble que nos préoccupations soient beaucoup plus pragmatiques, ancrées et centrées sur l’ici et maintenant.
Notre tout premier baromètre Contributing® réalisé avec l’institut CSA en mai 2020, montre que les Français ont soif de justice sociale et ont développé une réelle conscience environnementale.
49%, soit près d’un français sur deux, souhaite une France plus « juste », avec moins d’écart de revenus entre riches et pauvres et ce chiffre monte à 57% pour les plus de 65 ans. Ils sont aussi 34% à désirer une France plus « verte », avec une politique environnementale plus efficace.
Et enfin, plus d’un tiers d’entre nous souhaitons une France plus « citoyenne ». Un engagement gouvernemental et individuel, bien entendu, mais aussi un engagement des entreprises afin qu’elles contribuent davantage à améliorer notre société.
C’est tout le sens du « Contributing® » : passer d’un marketing fait pour vendre toujours plus (« la société de consumation » chère à Bataille) à une contribution positive des marques afin de réconcilier les enjeux de « la société » et les activités « des sociétés ».
Les consommateurs ont bien compris qu’ils sont les nouveaux arbitres de ce jeu et que choisir c’est déjà agir, que leurs actes d’achat mêmes les plus anodins peuvent peser.
Ils sont notamment 56% à penser qu’ils peuvent faire eux-mêmes évoluer la société positivement devant le gouvernement (50%), et ils attendent très clairement des PME (25%) et des grandes entreprises (21%) de faire bouger les lignes, avec eux !
La contribution positive des entreprises aux enjeux de société devient un critère de confiance et de préférence. Le choix ne se fait plus uniquement sur le contrat de base : qualité/produit/prix.
Et ce qui est vrai des consommateurs, l’est aussi pour les salariés.
Demain, entre deux emplois semblables, et en dehors évidemment des considérations de rémunération, notre étude montre que 21% des français choisiraient l’entreprise qui contribue le plus à améliorer la société dans laquelle nous vivons.
Pour toutes ces raisons, les entreprises doivent s’interroger sur leur rôle, leur promesse et leurs engagements. Car au-delà de leur raison d’être, elles doivent définir leurs raisons d’agir et passer à l’action. Se mettre en mouvement par des propositions concrètes, coordonnées, tangibles, quantifiables. En se servant de l’accélérateur qu’est la Marque, en partant de son histoire, de sa trajectoire, de sa réalité, de sa position sur son marché, de ses communautés réelles et projetées, de sa capacité à délivrer des preuves tangibles, à s’étendre et à dessiner de nouveaux horizons.
La Marque est à la fois un repère dans un monde de choix, un porte-parole au contact des publics de l’entreprise, un vecteur de fierté comme de revendication, l’incarnation concrète d’une stratégie. Elle porte un capital immatériel, un contrat, une promesse. Si le produit, sa qualité, sa provenance, son prix sont toujours clés, la différenciation vient plus que jamais de la marque.
Toutes les marques ne sont pas nées égales, mais elles peuvent toutes tendre vers le « mieux commun ».
Il y a une grande disparité entre les marques et les entreprises nativement fondées sur des engagements sociétaux ou environnementaux qui sont hissées en modèles, celles qui doivent effectuées un « re-boot » complet du fait même de leurs activités basées sur les anciens modèles ou les anciennes ressources, et celles qui sont déjà en transition.
Notre baromètre contributing® montre que les secteurs les plus attendus par les français sont l’alimentation, le transport, l’énergie, la banque-finance-assurance, la grande distribution, l’environnement et la santé.
La première des valeurs plébiscitées par les consommatrices et consommateurs en France est l’empathie. Plus que jamais, les marques doivent être à l’écoute, démontrer de façon juste qu’elles ont pris la mesure de leur impact et du rôle qu’elles jouent.
Lorsque la MAIF, dont la raison d’être repose sur « l’attention sincère portée à ses sociétaires et parties prenantes » s’est organisée sans attendre, c’est-à-dire dès le 1er avril, en décidant en conseil d’administration de faire bénéficier ses sociétaires des économies réalisées par la diminution des accidents de la route durant la période de confinement (économie estimée à environ 100 millions d’euros), elle donne une leçon de cohérence et d’efficacité.
La somme a en effet été reversée aux sociétaires détenteurs d’un contrat auto à jour de leurs cotisations. Ils ont eu le choix de percevoir la somme proposée ou d’en faire don à trois associations en première ligne pendant la pandémie : la Fondation des Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France, l’Institut Pasteur et le Secours Populaire. A l’échelle de 3 millions d’assurés, la contribution à ceux qui sont le plus exposés est sans équivoque.
Voilà le sens d’une démarche performative et d’une contribution positive : une action concrète qui combine le sens de la société (sa philosophie) et une démarche positive pour la société (le mieux commun).
Symétrie des attentes et des attentions.
Dernier rempart du déclaratif, les discours institutionnels, doivent également évoluer. Plus aucune entreprise ne peut aujourd’hui se cacher derrière sa marque, et vice versa. La frontière étanche d’autrefois n’existe plus. Les sujets traditionnellement réservés au corporate (RH, RSE…) sont désormais aussi ceux des marques. Si telle entreprise ne paye pas ses impôts ou développe une politique interne toxique, il est très aisé de le savoir et de le sanctionner en arrêtant de consommer sa marque ou ses produits, ou bien encore en s’exprimant sur les forums ou les réseaux sociaux.
La pression est forte car nous n’avons jamais eu autant de possibilités de nous informer. Perec avait prédit dès 1978 « le computeur pour tous, portatif, transistorisé et obligatoire » … Nous y sommes, en quelques clics ou depuis Yuka, nous accédons à des données diverses et variées. Si le tri est de mise, la transparence l’est tout autant, en particulier sur les sujets d’engagement.
Une symétrie est en train de s’opérée (et/ou de se renforcer) entre les valeurs internes et externes, dessinant un désir grandissant de réciprocité, d’engagement commun. Un contrat clair et un respect de celui-ci.
Si la communication continuera à porter des récits tout comme les lieux physiques proposeront toujours des expériences, les marques doivent dès aujourd’hui solliciter autant nos émotions que notre raison. Les belles paroles ont fait long feu. L’exemplarité est devenue notre nouvelle exigence commune. A nous : agences / annonceurs / consommateurs / citoyens / politiques… Et après tout, c’est peut-être là que réside le pendant de la raison d’être des entreprises : notre « raison » commune, à la fois comme ce qui nous pousse à agir (motivation) et notre capacité de jugement (décision). Un monde sans marque est utopique. Les marques sont là, elles sont attendues, elles ont un rôle à jouer. A nous de les aider à être désirables et désirées pour leur utilité et leur contribution. A joindre au sens, les signes et les expériences qui le porteront. A nous en tant que conseil en stratégie et design de marque d’apporter une contribution positive au monde dans lequel nous vivons.
July 01, 2020 at 12:45PM
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