Sunday, July 5, 2020

EDITO. Le changement de Premier ministre marque l'entrée en campagne d'Emmanuel Macron - Le Journal du dimanche

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À l'inverse d'un divorce, la séparation d'un couple exécutif est écrite d'avance, inévitable. Il arrive qu'elle soit précipitée par les circonstances : une élection perdue, un virage politique. Le plus souvent, elle n'a d'autre raison que l'usure du temps et des hommes, avec l'érosion produite par les épreuves sur la confiance qui les liait au départ. À une exception près – la démission en 1976 de Jacques Chirac, Premier ministre de Valéry Giscard d'Estaing –, elle est dictée par l'intérêt du Président, ou du moins par l'idée qu'il s'en fait.

Entre Emmanuel Macron et Edouard Philippe, qu'importent donc les causes profondes de la rupture. Les zélotes du premier auront beau jeu de dénigrer le sortant ; les vestales du second défendront bec et ongles le bilan. Les deux camps seront en droit de maudire l'injustice du sort. Comme Pompidou châtié par de Gaulle pour avoir jugulé la révolte de Mai 68, Philippe est remercié au faîte d'une popularité gagnée pendant la crise sanitaire. Et tel Sarkozy concurrencé par Fillon malgré sa réactivité face au choc financier de 2008, Macron se sent floué d'une reconnaissance qu'il pense méritée pour avoir fait les bons choix face à l'épidémie, parfois contre l'avis de son Premier ministre. Pour lui, avoir su imposer le déconfinement ne pouvait se solder par une déconfiture.

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Bien d'autres avant Jean Castex sont entrés à Matignon promis à un rôle d'exécutant, tous ne le sont pas restés

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Encore le chef de l'État n'a-t-il pas, cette fois, tergiversé. Chancelant face aux Gilets jaunes, brouillon sur la réforme des retraites, trop clément à plusieurs reprises avec son ministre de l'Intérieur, Macron a su trancher en temps et en heure pour ne pas laisser le doute s'installer au sommet. Trois ans et quelques semaines, c'est à ce moment clé du quinquennat que Sarkozy décida de limoger Fillon… pour y renoncer et le regretter par la suite.

Chez Macron, le choix du timing est donc évidemment un signe de résolution. Le choix du remplaçant de Philippe est-il, comme on l'entend bien vite, celui de l'omnipotence présidentielle? Nous verrons. Bien d'autres avant Jean Castex sont entrés à Matignon promis à un rôle d'exécutant, tous ne le sont pas restés. Avec cet homme affable et chevronné, de droite mais ouvert au dialogue social, haut fonctionnaire mais non technocrate, le chef de l'État opte surtout pour une double continuité : sur la ligne politique, calée au centre droit, et dans sa pratique institutionnelle, où le Premier ministre n'est pas issu de la majorité mais de sa seule volonté.

Et le "nouveau chemin" promis, dans tout cela? Les premiers mots de Castex laissent plutôt entrevoir un nouveau cheminement. Plus précautionneux et moins raide que les grandes enjambées de son prédécesseur, mais tendu vers le même but, c'est-à-dire les mêmes réformes, à ceci près qu'elles se mèneront désormais au nom de la reconstruction du pays, et non plus de sa transformation. De ce point de vue, le changement de Premier ministre marque aussi l'entrée en campagne d'Emmanuel Macron pour sa réélection. "Sachons nous réinventer, moi le premier", lançait-il voilà deux mois. Pour l'heure, il ne réinvente que son gouvernement, pour mieux rester le premier.




July 05, 2020 at 03:41PM
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